J'avais alors quatorze ans, j'étais au collège technique à Longjumeau en chaudronnerie et faute de pouvoir faire des transformations sur une bécane que je n'avais pas, je me faisais un volant en alu ajouré pour la dauphine Gordini que j'espérais avoir plus tard.
Quelques économies plus tard et un an de plus je me payais une spéciale 49 en fin de vie. Un copain de collège génial en tout, que ce soit en mécanique ou électronique m'invita à venir dans sa famille qui habitait à Busigny dans le nord.
Aux vacances de Pâques, par un matin frileux presque légèrement humide, j'enfourchais vers les cinq heures du matin ma spéciale 49 et je traversais pour ma première virée une banlieue sud endormie, dépassais le 60 km/h dans la grande descente de Longjumeau et pointais ma roue avant sur la nationale 20, passais Antony puis Bourg la Reine et arrivais sur la porte d'Orléans pour m'emmancher avenue de la division Leclerq, Alesia, Denfert puis beaucoup plus loin la porte de la Chapelle , la Villette , le Bourget où assez refroidi j'ai fait le plein de la mob.
J'ai, le taquet à fond, frôlé les 40 Kms/h de moyenne et il m'en restait des bornes à faire ! Libre et heureux j'ai continué à découvrir béatement le paysage, à me laisser rentrer tranquillement dans l'oreille le ron ron du moteur jusqu'au moment ou la première panne mécanique surgit. Comme d'habitude filtre à air trop vieux et voila la bougie qui perle et comme tout le monde le sait et le dit, bougie du matin perlé mauvais pour la journée.
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Voila la " mob " avec laquelle j'ai fait connaissances avec le soleil, la neige, la mécanique, le déséspoir et la joie de rouler
moto@poussinb.com
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J'ai demandé à http://www.motobecane-club-de-france.org l'autorisation de mettre cette photo sur cette page et après 3 semaines sans réponse je considère que selon l'adage "qui ne dit rien consent" je peux maintenant agrémenter mon texte tranquillement |
Main engourdie pour chercher la clé, doigts qui s'égratignent sur les ailettes de la culasse, paume qui se brûle sur la bougie, ma première journée de vacance de chevalier presque errant commençait douloureusement. Mais qu'importe, quand j'ai dit aux copains de la classe que je partais chez mon pote Patrice dans le nord en meule tout seul, j'avais vu que j'avais fait des envieux. J'avais l'air presque d'un superman j'étais content de moi………mais avec l'excuse que j'avais 15 ans
Et j'ai repris la route. Après quelques bougies perlées et une crevaison car le pneu comme la mécanique était en survie depuis bien longtemps, j'ai dû m'arrêter dans une station et demander au pompiste une clef plate pour resserrer le garde boue avant qui me promettait de suivre le pneu dans sa rotation au prochain gros dos d'âne. Refaire le plein était aussi une nécessité car bien qu'atteignant une vitesse variable entre 40 et 60 Kms/h c'est-à-dire nulle il fallait quand même nourrir l'écurie.
Je me souviens de la tête du pompiste du coté d'Arras je crois, car au moment de quitter sa station, la mob dans un grand pet s'est arrêté. Je venais lui dire que je venais de Paris et que j'allais dans le nord. Je me suis mis sur le côté de la station, enlevé mon sac à dos pour la 5°ou 6° fois et déballé les outils de survie.
J'en étais là, de mes problèmes quand je me suis entendu appeler, c'était mon ami qui de la route m'avait aperçu et avait fait observer à son père qui conduisait que j'étais là et que j'avais l'air dans la mouise. On ne pouvait pas dire moins ! Ce fut réconfortant de voir un visage connu et ami. Ouais mais ce n'était pas réparé cette fois ci. Nous étions déjà bien avancé dans l'après midi et j'étais fatigué. J'avoue que j'acceptais volontiers le chocolat chaud que la maman de mon pote me proposait. Je me réchauffais les mains sur la tasse et respirais l'odeur sucrée du cacao.
J'aurai bien aimé m'assoire sur la banquette de la voiture pour continuer la route mais mon amour propre malgré ma lassitude est remonté de mes reins endoloris et a repris le dessus. En sortant du café de la station j'avais repris un peu la pêche et j'étais encore plus heureux car mon ami avait remis la spécial 49 en route.
J'ai mis presque 12 heures pour faire le trajet de La Ville du Bois (91) à Busigny (59).
J'étais crevé, épuisé lorsque je me suis arrêté devant la porte de la maison, je ne sentais plus mes reins, mes mains étaient douloureuses, surtout la droite qui maintenait la poignée dans le coin pour ne pas descendre en dessous des 50 Kms/h sur le plat.
Et ce n'était que le premier jour de ma balade d'initiation de futur motard. Maintenant, lorsque je suis assis à l'ombre d'un platane devant une bière, sur une petite place, la bécane à l'abri du soleil où bien sur la banquette en skaï d'un bistrot surchauffé et embrumé alors que la même bécane est en train de prendre la flotte devant la porte, je repense à ce chocolat chaud de ma première virée. J'ai le cœur nostalgique et content de l'avoir fait.
C'était ma première virée, c'était en 1967, j'avais 15 ans et les seules japonaises que l'on voyait n'avaient rien qui ressemblait au scoot.
Maintenant, quand je rencontre sur une route de campagne, une mob à mille mille de toutes terres habitées avec un jeunot la tête enfoncée dans le casque et les épaules, dans le matin frais ou sous la pluie je lève volontiers le bras, sachant qu'il sera surpris et n'aura pas le réflexe de me répondre. Pourquoi ? Si vous le voulez je vous le raconterais une prochaine fois.
Et vous, votre première virée vous en souvenez vous ?
Avec un solex ? Une 125 ? un gros cube ? Sur la place arrière ?
Avec les potes ou seul (e) ? Avec votre petit(e) ami(e)?
J'espère vous avoir permis de replonger dans vos souvenirs.
Bientôt j'espère pouvoir reprendre ma route et en attendant je regarde les customs me passer devant le nez.
Bernard à cote de sa 250 CMC custom